Au Brésil, les livres allègent les peines de prison

18 novembre 2013 13 h 45 minDéposez le 1er commentaire

Dans le cadre d’un programme baptisé Rédemption par la lecture, les détenus des maisons d’arrêt brésiliennes voient leur peine de prison réduite de 4 jours à chaque livre lu. L’initiative lancée en 2009 offre aux personnes incarcérées une évasion de l’esprit au cœur d’univers souvent surpeuplés et violents. Des pages qui œuvrent à la réinsertion.

Quatre jours. C’est la réduction de peine à laquelle ont droit les détenus des prisons fédérales brésiliennes à chaque fois qu’ils lisent un livre. Ils peuvent parcourir jusqu’à 12 œuvres par an et gagner ainsi 48 jours de liberté chaque année. Ces petites victoires sur l’enfermement se méritent. Passé les 4 semaines de lecture autorisées par livre, les détenus rédigent une dissertation qui est notée par une commission dédiée. S’ils obtiennent la moyenne, la peine est réduite.

Lire pour réfléchir

Livres_prison-lecture-redemption

© Arte

« Tous les livres ont un point commun, ils évoquent le destin d’un personnage qui à un moment de sa vie va faire un choix, bon ou mauvais, et en assumer ou non les conséquences » (1) explique Fabiano Bordignon, directeur de la prison de Catanduvas au centre du Brésil. C’est lui qui en 2009 lance le programme Rédemption par la lecture avant que le gouvernement ne s’y intéresse et l’étende par la suite aux autres centres pénitentiaires du pays.

A Catanduvas, 207 détenus ont participé au programme à raison de 6 livres lus en moyenne par an. Soit 34 % des 600 personnes ayant été incarcérées dans ce centre pénitentiaire de très haute sécurité depuis 2009. Derrière des murs hauts de 14 mètres, la bibliothèque de la prison renferme 4000 ouvrages. Un trésor culturel bien plus important que celui de n’importe quel lycée public brésilien.

Evasion de l’esprit

Fabiano Bordignon ne s’est pas trompé. Quatre ans après ses débuts, le programme améliore la vie de la prison entière. « La littérature a des effets collatéraux positifs » souligne-t-il. « A peine un tiers des détenus (…) prend des somnifères, soit deux fois moins que dans le système carcéral classique ». Les violences sont également en recul constant. « De 92 procès pour faute de conduite en 2010, on est passé à 60 l’année dernière » (2).

Sur le papier, l’initiative permet aux autorités de désengorger des maisons d’arrêt surpeuplées fréquemment en proie à la violence. En pratique, il s’agit surtout d’offrir une évasion aux détenus de nature à favoriser leur réinsertion une fois la liberté retrouvée. « Tout détenu peut sortir de prison plus éclairé et avec une vision plus grande du monde » confie l’avocat Andre Kehdi qui supervise un projet de donation de livres pour les prisons.

Sésames vers d’humbles mais inestimables voyages de l’esprit, ces pages sont aussi des pierres de reconstruction personnelle. Une lente et parfois délicate réhabilitation intérieure que rencontre notamment Raskolnikov dans Crime et Châtiment, œuvre magistrale de Dostoïevski lue par nombre de détenus brésiliens qui suivent le programme. Cheminement jalonné de doutes, de peurs et d’interrogations que l’auteur russe libère par quelques mots dans les ultimes pages. « Au raisonnement s’était substituée la vie ».

Nicolas Blain

(1) et (2) extraits du mook Toute l’énergie du monde édité par la Croix, p 41.

Plus de détails en images à travers ce reportage signé Arte

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